Capitalisme, libéralisme, nation, Mai 68

Le refus de la démagogie et des « prêts-à-penser » implique de respecter les faits, d’expliciter les notions globales que l’on emploie et d’argumenter. Tel n’est pas le cas aujourd’hui dans le débat politique. Les campagnes électorales quasi-permanentes, l’omniprésence des grands médias audiovisuels favorisent les phrases creuses et les clichés. Les mots et les idées se succèdent à un rythme soutenu qui ne laisse guère de temps à l’interlocuteur pour démêler le propos. Les anciens réflexes et schémas militants, consistant à coller des étiquettes et à diaboliser l’adversaire, sont loin d’avoir disparu. Une série de questions sur l’état actuel de la démocratie sont ainsi rendues confuses et incorrectes, chacun étant sommé à nouveau de choisir au plus vite son camp. Face à cette situation, la libre réflexion et une éthique de la discussion sont indispensables, si l’on entend comprendre le monde dans lequel nous vivons. 
Les notions de « capitalisme », de « libéralisme » (ou de « néo-libéralisme »), de « nation »… sont particulièrement concernées. Elles sont de plus en plus diabolisées, intégrées dans une logique de dénonciation par un courant critique de gauche qui fait obstacle à tout libre examen de leur signification. « Capitalisme » et « néo-libéralisme » deviennent de simples synonymes d’exploitation et de libre marché sans que l’on s’interroge sur leur lien avec le développement des temps modernes et de la démocratie, sans non plus que l’on considère l’élévation historique du niveau de vie et l’extension des libertés individuelles. D’un autre côté, la croyance selon laquelle le libre échange intégral est un mouvement irréversible sur laquelle la politique ne peut plus rien continue d’exercer une certaine fascination. Le dogme libre-échangiste qui vante les vertus supposées d’un marché autorégulateur et de la mondialisation économique apparaît comme l’inverse de celui de l’économie étatisée. L’idée de nation est quant à elle soit exaltée sur un mode passéiste et xénophobe, soit réduite au nationalisme guerrier, au chauvinisme voire au racisme. 
La référence globale à Mai 68 est enfermée dans ce même type de préjugés. Dans le rapport que la société entretient avec cet événement depuis plus de trente ans, l’oscillation est constante entre fascination et rejet. Cette référence continue de jouer un rôle de mythe premier chez les nostalgiques et une partie de la jeunesse adolescente, tandis que de l’autre côté la référence à Mai 68 sert d’explication simple et de bouc émissaire au mal-être social existant. Entre une position réactive et revancharde qui rêve de revenir en arrière et celle qui continue de mythifier l’événement, il est nécessaire d’opérer un recul réflexif et critique sur des années qui furent importantes dans la mutation que nous vivons. 
Il est encore difficile d’aborder ces notions et cet événement, tant ils font l’objet de préjugés, d’investissements émotionnels, de discours confus et moralisateurs. Le séminaire se propose d’interroger leur signification en toute liberté et avec rigueur, en dehors de toute forme de moralement et de politiquement correct.

PROGRAMME-SÉANCES

Samedi 10 décembre : « Qu’est-ce que le libéralisme ? » – Lectures de textes et débat.
Cette première séance vise à mieux connaître les textes fondateurs permettant de cerner cette notion, les questions et les enjeux qui s’y rattachent. Pour ce faire, on procédera à la lecture et à un débat autour de textes d’auteurs tels que Montesquieu, Adam Smith, Edmund Burke, Raymond Aron.

Samedi 21 janvier : « Le capitalisme est-il maîtrisable et réformable ? » 
par Jean-Luc Gréau, auteur de Le capitalisme malade de sa finance (1998) et de L’avenir du capitalisme (2005) parus aux éditions Gallimard, collection Le débat.

Jean-Luc Gréau

Samedi 25 février : « Faut-il avoir peur du libéralisme ? » par Philippe Raynaud, professeur de sciences politiques à l’Université Paris II, Institut Universitaire de France, auteur de Max Weber et les dilemmes de la raison moderne (2e ed.), PUF, collection « Quadrige », Paris 1996, Dictionnaire de la philosophie politique, avec Stéphane Rials, (3e ed), PUF, collection « Quadrige », Paris 2003.

Philippe Raynaud

Samedi 25 mars : « Quel lien entre démocratie et nation ? » 
par Pierre Manent, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, auteur notamment de Cours familier de philosophie politique, Fayard, 2001, Les libéraux, Gallimard, collection Tel, Paris, 2001.

Pierre Manent

Samedi 13 mai : « Mai 68, au-delà des mythes » par Marcel Gauchet, philosophe, auteur notamment de La démocratie contre elle-même, Gallimard, coll. Tel, 2002, « La matrice de Mai 68 » in La condition historique, éditions Stock, Paris, 2003, et Jean-Pierre Le Goff, sociologue, auteur notamment de Mai 68, l’héritage impossible, édit. La Découverte, 1998 et 2002, « Le basculement » in La démocratie post-totalitaire, La Découverte, 2003.

Marcel Gauchet (à droite) et Jean-Pierre Le Goff (à gauche)

À LIRE

  • Capitalisme : Jean-Luc GREAU, L’avenir du capitalisme, Gallimard, coll. Le débat, Paris, 2005. 
  • Libéralisme : Philippe RAYNAUD, « Libéralisme » in Dictionnaire de philosophie politique, sous la direction de Philippe Raynaud et Stéphane Rials, PUF, 1996 et 1998. 
  • Nation et démocratie : Pierre MANENT, « Les problèmes actuels de la démocratie », Commentaire, n° 98, été 2002.
  • Mai 68 : Marcel GAUCHET, « La matrice de Mai 68 » in La condition historique, éditions Stock, Paris, 2003.
  • Jean-Pierre LE GOFF, « Mai 68 n’appartient à personne », postface, Mai 68, l’héritage impossible, La Découverte Poche, Paris, 2002.

Une bibliographie détaillée (livres et revues) sur chacun de ces thèmes sera fournie aux participants lors du séminaire.